Tuesday, December 1, 2015

Quand je pense à toi, Bébé Arthur

Puis-je croire que ton âme veille sur nous et que tu me pardonnes d'avoir été lâche? Ai-je le droit de pleurer ta mort même si c'est de ma faute si tu n'y es plus? Je t'aime et pour moi tu seras toujours mon cinquième enfant.

Si je pleure parfois sous la douche ou si je verse des larmes en conduisant, en lavant la vaisselle ou avant de dormir, si je deviens de le cœur gros lorsqu'une amie m'annonce une grossesse ou une naissance, et même lorsque je vois une annonce de couches, c'est parce que maman pense à toi, Bébé Arthur.

Après ma quatrième grossesse, papa et moi, étions satisfaits de notre belle famille. Il avait rendez-vous pour sa vasectomie en février et je devais sevrer BB4 pour débuter ma médication afin de contrôler ma sclérose en plaques. Bien que j'enviais les grandes familles et que l'idée d'un cinquième enfant m'effleurait l'esprit, je me disais qu'il n'était pas raisonnable d'y donner suite. Je me sentais fatiguée, après avoir eu trois accouchements assez rapprochés et allaité pendant presqu'un an à chaque fois, puis comme j'allais avoir 39 ans, je sentais que mon corps avait assez donné et qu'il était temps de récupérer et de passer à une nouvelle étape de ma vie. J'avais quatre enfants en santé, Il n'était pas question de pousser ma chance plus loin.

Puis, un bon soir d'avril, sans avoir pourtant pris trop de risques, papa et maman avaient conçu un bébé. La vasectomie ayant été reportée et le sevrage n'étant pas complété, j'ai vu ça comme un cadeau de la vie. J'étais un peu gênée d'annoncer cette cinquième grossesse à mon entourage puisque j'étais visiblement déjà bien occupée, plus qu'il en faut, avec mes quatre enfants. J'avais honte d'avouer que cette surprise me comblait de bonheur, comme si je ne la méritais pas. Papa m'avait toutefois bien avertie, ce bébé imprévu, nous le gardions à la condition qu'il soit en santé, puisque nous en avions déjà beaucoup sur les épaules, il ne se sentait pas capable de vivre avec un enfant malade ou handicapé. J'étais d'accord.

C'était une très belle journée de juin, lorsque j'ai eu mon rendez-vous pour l'échographie à 11 semaines. J'y allais le coeur rempli de confiance puisque, la veille, j'avais reçu les résultats du test d'ADN : bébé n'était pas trisomique et c'était pas mal la seule chose que je craignais, étant donné mes presque 40 ans...

Au début de l'échographie, tout allait bien, sauf que je devais me tromper sur ma date de conception parce que bébé semblait plus petit, une dizaine de jours de moins, rien d'alarmant... Ça m'a étonnée parce que j'ai eu quatre gros bébés, avec souvent quelques jours d'avance sur l'âge estimé, mon dernier pesait 10 livres 4 onces à la naissance. Bref, rien de grave, selon elle...

Un moment donné la radiologue nous a quitté pour aller demander un avis au médecin, elle avait de la difficulté à observer quelque chose... Quand le médecin est entrée dans la pièce, elle n'a rien précisé, a regardé et nous a montré la malformation. Certains diront que ce n'était rien, mais de voir que tu n'avais qu'un avant-bras très court difforme avec peut-être deux ou trois doigts nous a fait craindre que cela serait accompagné d'autres problèmes dans ta construction.

J'ai tellement pleuré, j'ai cherché des témoignages d'enfants avec la même malformation, pour plusieurs ce n'était que ça, pour d'autres c'était accompagné d'autres problèmes plus graves. Par contre, tu étais si petit qu'on ne pouvait pas encore tout vérifier et le résultats des tests proposés n'arriveraient que plusieurs semaines plus tard, et nous étions déjà si fatigués avec les grosses rénovations en cours dans la maison... Et j'avais tellement peur de te sentir bouger et de m'attacher encore plus à toi alors que nous n'avions pas le courage... Deux semaines plus tard, j'ai passé une biopsie placentaire, ton ADN était normal mais tu démontrais un retard de plus sur ta croissance à l'échographie, ta dpa était repoussée d'encore quelques jours... Ça nous a inquiété. (Édit : finalement, à l'arrêt de grossesse, à 16 semaines 3j selon ce que je croyais, 15 semaines, selon L'Echo datig, tu etais à 14 semaines).

Bref, après avoir prié et espéré en vain que la nature reprenne ta vie doucement, j'ai du me résoudre à une interruption volontaire de grossesse. J'avais RDV pour un curetage mais j'ai été incapable d'y aller, ne pouvant pas accepter de te faire charcuter ainsi alors que tu étais si aimé et désiré.

J'ai appelé en larmes à l'hôpital pour les supplier de me faire accoucher (je ne croyais pas que j'y avais droit à 15 semaines seulement).
Ils m'ont dit que c'était possible et j'étais tellement soulagée de pouvoir te voir et je toucher avant ton grand départ.

Jusqu'à la dernière minute, j'ai espéré que papa entre dans la pièce et me dise d'arrêter, qu'on allait te garder... Mais ta petite malformation était trop grande pour lui. Avec lui à mes côtes, j'irais au bout du monde, on s'est embarqué dans un projet de fous avec les constructions, je sais qu'il sera toujours là pour ses enfants...  Comme nous sommes une équipe, je ne voulais pas lui imposer cette responsabilité pour la vie, ne sachant pas comment je serais moi-même dans quelques années avec ma maladie.

Juste avant de mourir, j'ai senti ton âme s'envoler. Une pureté et une paix qui m'a permis de te dire que tu pouvais partir. Tu m'as quittée sans bruit, sans douleur physique mais j'ai mal maintenant et j'en souffrirai pour toujours.

Puis-je croire que ton âme veille sur nous et que tu me pardonnes d'avoir été lâche? Ai-je le droit de pleurer ta mort même si c'est de ma faute si tu n'y es plus? Je t'aime et pour moi tu seras toujours mon cinquième enfant.